De passage dans la région côtière du Var pour quelques jours, c'est le calendrier des manifestations de LVA qui guide une fois de plus la sortie du dimanche: direction la route nationale 7 dans le sens de la remontée vers Paris. Pour celles et ceux qui l'ignorent, la Dracénie est le rassemblement de vingt-trois communes du Var dans une agglomération dont l'objectif est l'affirmation du territoire et le développement des infrastructures.
Nos pas nous dirigent vers une petite ville bien connue des vacanciers avant que l'autoroute ne vienne décongestionner la route des vacances: Vidauban en Dracénie.
On y attribue les premiers signes de présence humaine au temps de l’Homo Erectus, c'est-à-dire avant la période de l'homme de Cro-Magnon dont nous sommes issus. Lieu de passage depuis toujours, l'histoire ne dit pas si la notion d'embouteillage existait déjà à Vidauban pendant la préhistoire!
De nos jours la RN7 contourne le centre-ville, mais il fut un temps où toute la circulation passait par deux rues en sens unique. L'une d'elles porte le nom d'un homme dont la fin ne manque pas d'originalité. Replongeons nous dans l’insurrection varoise de 1851. En 1848, Louis-Napoléon Bonaparte avait été le premier président de la République Française élu au suffrage universel. A l'issue de l’insurrection il devient l'empereur Napoléon III.
Le département du Var s'insurge violemment. Ce n'est pas que Martin Bidouré occupe un poste important pendant cette période historique, mais c'est sans doute le seul homme à mourir deux fois! Blessé par le préfet qui lui tire une balle dans la tête, et sabré par les gendarmes, il est laissé pour mort sur le bord de la route. Revenu à lui, il parvient à se traîner chez un fermier qui le dénonce dès le lendemain. Il est fusillé aussitôt par les militaires qui, dit la légende, doivent s'y prendre à deux fois pour l'achever!
Dans ce quartier de Vidauban, entre les deux rues précédemment mentionnées, il y avait au Moyen-Age un hôpital. Il n'en reste pas grand chose si ce n'est ce vieux four à pain, ouvert à tous les vents et bien visible depuis la rue de la République.
Quand on remonte la RN7 et que l'on approche de Vidauban, on ne peut pas ne pas voir (double négation pour renforcer l'idée, vous l'aurez compris) le clocher de l'église Saint-Jean-Baptiste.
A cette heure la messe est en cours, donc vous devrez vous contenter de cette photo de l'extérieur.
Nous sommes jour de marché. Les petites rues regorgent de marchands et autres camelots. Nous sommes dans le sud, alors les argumentaires sont couleur locale. "Deux melons achetés, un gratis et on se régale!"
Mais nous ne sommes pas venus à Vidauban pour le marché, mais plutôt pour le rendez-vous mensuel proposé par Michel François.
L'exposition se tient sur la place de la Mairie, en plein centre-ville.
La place est rapidement pleine et la pauvre Corvette se voit gentiment priée de stationner dans la rue voisine. Se côtoient répliques et authentiques. Toutes les voitures présentes sont propres et en fort bel état.
La bonne idée du choix du lieu est que la place est bordée sur un de ses côtés par des troquets. Bien que le café soit offert par l'organisateur, chacun est libre d'aller prendre l'apéro tout en restant à proximité de sa voiture. Quant aux badauds et autres touristes, ils peuvent se "régaler du spectacle" tout en se rafraîchissant d'un petit jaune.
Parmi les automobiles peu courantes, je vous propose cette petite Fiat 600 fabriquée en Allemagne et badgée Neckar Jagst 770. Cette version est en fait l'évolution de la 600 avec un moteur un peu plus gros: les 767 cm3 développent 23 CV au lieu des 19 précédents. A ce niveau de performance, on doit sentir la différence!
Aux côtés d'une 2CV AZLP de 1960, c'est un modèle tout à fait spécial.
Je vous présente une Azelle. Ce n'est pas une bidouille individuelle puisque cette transformation est commercialisée depuis que son concepteur, Alain Le Bihan, a réussi le passage aux mines en 1990. Je ne suis emballé ni par les roues que je trouve peu en accord avec la simplicité initiale du concept de 2CV, ni par la couleur, mais tout est affaire de goût.
Si la Dolly n'attire pas de remarques particulières, la Méhari par contre a une histoire: c'est une ancienne Méhari de l'armée de terre, et plus précisément du 19ème régiment du Génie de Besançon. Utilisée souvent comme voiture école la Méhari reste une voiture croisée fréquemment dans cette zone côtière du sud de la France.
La marque Renault était bien représentée: Renault 4CV, Caravelle 1100 et une Dauphine export. Pour l'anecdote, fidèle à la tradition, son propriétaire a sagement positionné un sac bien lourd sous le capot.
Modèle plus sportif et emblématique de la marque Alpine, une petite A110. Je dis petite car elle est motorisée par le 1300 cm3.
La Morgan 4/4 de 1968 dont le capot est ouvert est à vendre.
La deuxième A110 est une 1600 S. Le moteur est celui de la R16 TS et développe 125 cv DIN.
Coude à coude avec une Porsche, une Supercinq originale: Supercinq EBS, du nom du carrossier Belge qui a transformé notre petite citadine en cabriolet. Ici encore c'est pour répondre à une demande du marché que EBS va produire 850 exemplaires. Les caisses vont venir directement de feu l'usine voisine Renault de Vilvoorde.
Cette voiture sera commercialisée en Belgique, Hollande, Italie et Allemagne, mais jamais en France. Selon le propriétaire de celle exposée à Vidauban, il resterait 397 voitures dont 107 en France.
Pas de doute: le tableau de bord est bien celui de la berline.
Cabriolets d'une autre génération et qui font aussi tourner les têtes, ce sont les Austin Healey 3000. Deux de ces voitures sont présentes.
Nous restons chez nos voisins d'outre-manche. J'ai toujours un faible pour les Lotus, et particulièrement les modèles Elan. Je trouve cette photo pédagogique car elle illustre bien la carrosserie en fibre de verre.
Deux Mercedes pour représenter le constructeur de Stuttgart. Elles sont toutes les deux motorisées par un 8 cylindres. La voiture bordeaux est une 380 SL génération R107 (1980 - 1985). Au moteur près c'est ce modèle que conduisaient Bobby Ewing dans la saga "Dallas", et Jonathan Hart dans "Pour l'amour du risque". La jaune est beaucoup plus récente. C'est une SL 500 de la fin des années 90.
Dans les originalités présentes, j'ai noté deux Triumph Vitesse. Deux moteurs animèrent ce modèle de la fin des années 60: un 1600 cc et un deux litres. Celle stationnée derrière la voiture de police US est motorisée par le 6 cylindres deux litres. Sur ces voitures il est préférable d'avoir un "overdrive" qui évite au moteur de tourner trop vite.
Puisque nous parlons de cette voiture de police US, je vais m'y attarder un peu. C'est une Plymouth Fury de 1974. Sous le capot, on trouve un V8 400 ci.
Cette voiture n'est pas authentique. C'est une réplique de voiture de police californienne. Elle est à vendre pour 28 000€.
J'avais prévu de rejoindre une deuxième manifestation: le Rétromobile Vintage à Tavernes, mais la deuxième édition a été annulée en raison des contraintes liées au COVID. Le hic, c'est que soit LVA n'a pas été informé, soit c'était trop tard. Toujours est-il que c'est le restaurateur du village qui nous a expliqué pourquoi nous n'avions rien trouvé.
On en est quitte pour un tour du village.
Rien de grave en soi puisque j’essaie de plus en plus de relier les manifestations de voitures anciennes et le tourisme régional.
Tavernes est relié à deux hommes connus. Le plus récent, Charles Fiterman, sera ministre des transports dans le gouvernement de Pierre Mauroy de 1981 à 1984, avant de devenir Maire du village. Il était initialement communiste, puis fut membre du parti socialiste qu'il quittera en 2017. Il est aujourd'hui âgé de 86 ans. Le second personnage local est Gabriel Escudier (1906 - 1962) qui, au-delà des fonctions de Maire, représentera sa région comme député et sénateur.
Tavernes fait partie de ces petits villages du Moyen Var. Et ce sont les portes de certaines de ses maisons qui en font un village pas tout-à-fait comme les autres.
La porte d'entrée des maisons donne l'identité de ses propriétaires. Je vous en propose un petit florilège.
Toutes ont un fronton en pierre.
Et pour terminer ce rapide tour des portes, une vraie fausse entrée.
Bien enfouie dans les petites rues de Tavernes, l'église Saint-Cassien se découvre au hasard de la promenade dans le centre. Ce monument a comme tant d'autres subi les affres du temps depuis le XIe siècle, période à laquelle on en retrouve la trace.
Endommagée et fragilisée lors d'un tremblement de terre, survenu au large de la Ligurie le 38 février 1887 mais dont l'onde de choc a provoqué des dégâts jusque dans le Var, l'édifice a été renforcé à l'aide de ces deux petites tours qui servent de contreforts.
Ce sera du reste l'un des pires tremblements de terre. Il occasionnera plusieurs centaines de morts.
De vous à moi les angles du clocher en grosses pierres me semblent dénoter par leur modernité.
Les chapelles collatérales ont été construites au fil du temps et de l'accroissement de la population.
Saint Clair, aussi étonnant que cela puisse être, désigne plusieurs saints Chrétiens: Clair de Nantes, Clair de Loudun, Clair de Marmoutier, Clair d'Aquitaine etc.
Une des autres particularités de cette église est la niche en forme de grotte en hommage et reconnaissance à Notre-Dame de Lourdes.
Sur le chemin du retour, une pause à Cotignac s'impose. C'est un des 43 villages typiques de Provence. Le site est particulièrement remarquable par sa position au pied d'une falaise en tuf haute de 80 mètres, mais surtout par ses habitations troglodytes qui sont creusées dans la roche.
De mi-juillet à mi-août, Cotignac propose un festival: "les toiles du sud".
Deux fois par semaine, des séances de cinéma en plein air sont proposées sur la partie haute du vieux village et au pied du "rocher", autre appellation de la falaise.
Comme la plupart des villages de Provence, le tourisme est un vecteur important de ressources. A Cotignac, le promène-couillon local est un petit triporteur électrique.
Nous sommes sur la place de l'Hôtel de Ville, ou plutôt Grande Rue, juste en face du beffroi restauré il y a à peine moins de quinze ans.
A son sommet, on admire le campanile en fer forgé. Il date de 1496. Au siècle suivant on lui adjoindra un cadran solaire. Saviez-vous qu'à l'origine, les cadrans solaires ne précisaient pas les heures, mais plutôt le début de l'embauche, la fin et les pauses des ouvriers?
En haut de la rue on trouve l'Hôtel de Ville, étonnamment presque accolé aux autres immeubles. Ce bâtiment possède une histoire rigolote: en 1555, le rez-de-chaussée était un fournil. Le fournier (boulanger) habitait au dessus. Hélas, le four dégageant une forte chaleur, l'appartement était difficilement habitable. J'imagine que le problème était d'autant plus réel en été.
Le fournier décide alors de vendre son local et de déplacer le four. C'est en 1558 que le bâtiment devient l'Hôtel de Ville.
Regardez bien, ce platane date de 1839. Il a donc plus de 180 ans!
Devant le platane, mon œil est attiré par cet immeuble. Au premier abord, il n'est en rien différent des immeubles provençaux. Plus on monte dans les étages, moins les fenêtres sont hautes. La façade est enduite.
Ne remarquez-vous rien à travers les fenêtres ouvertes?
Ce qui semblait être une sorte de tache se révèle être en fait un plafond décoré de moulures au milieu desquelles un propriétaire a eu l'idée de coller une tapisserie (ou du tissu tendu). La mode des médaillons est passée, mais le travail des stafistes est resté.
Il y a 17 fontaines à Cotignac. Au début du village, la municipalité voulait que toutes les familles bénéficient de l'eau. Au fil de l'accroissement du nombre d'habitants, la mairie à racheté et capté des sources, chacune donnant lieu à une fontaine.
On reprend la route vers notre dernière étape. Les paysages de l'intérieur du Var sont magnifiques. Un mélange de vignes, d'oliviers et de cyprès qui tracent des lignes verticales .
Nous arrivons au Thoronet. Voir et revoir cette abbaye, merveille des abbayes cisterciennes. Nous avions eu l'occasion d'y passer lors d'un rallye du club Hotchkiss en 2014.
Siza. Je vais en quelques phrases vous narrer le pourquoi de cette sculpture que le visiteur rencontre dès ses premiers pas dans l'enceinte de l'abbaye. Alvaro Siza est un architecte portugais, reconnu par ses pairs à travers un prix Pritzker, sorte de prix Nobel de l'architecture. Son bureau est à Porto, ville dans laquelle il a suivi les cours des Beaux Arts avant de se diriger vers l'architecture. Dans un article de journal, une journaliste le résume comme "un caméléon en mouvement". Caméléon de 87 ans!
Invité à visiter le site, il va redéfinir un parcours de déambulation. La flèche ci-dessous indique la direction. Pour les curieux, un livre de 128 pages décrit son passage: "Siza au Thoronet".
Les abbayes sont des lieux calmes et sobres. Le Thoronet est à ce titre un bel exemple de sobriété. Les gens compétents disent que la pureté de ses lignes a inspiré de nombreux architectes modernes.
A quelques originalités près, on retrouve tous les principaux bâtiments qui constituent une abbaye: église, cloître, parloir, salle capitulaire et dortoir.
L'église impressionne par sa simplicité, avec ses trois travées aux murs sans aucune décoration et aux pierres parfaitement ravalées.
Avec ses sœurs Silvacane (la Roque-d'Anthéron, Bouches du Rhône) et Sénanque (Luberon, Vaucluse), elle est est l'une des trois abbayes cisterciennes de Provence. L'ordre cistercien promeut ascétisme, rigueur liturgique et érige, dans une certaine mesure, le travail comme une valeur cardinale. Si j'osais, je dirais que ces valeurs ne sont plus vraiment en odeur de sainteté !
Commentaire de Chamousette qui regarde par dessus mon épaule:
" Humour capillotracté de fin de semaine puisque l'ordre cistercien est un ordre monastique de droit pontifical!"
La construction débute en 1160 et dure 70 ans. En moins de deux siècles le déclin gagne l'édifice et en 1699 des toits s'effondrent et des murs se fissurent. Prosper Mérimée, inspecteur des monuments historiques, officie en lanceur d'alerte et fait prendre conscience qu'une restauration est nécessaire. Elle débute en 1841.
La photo qui suit me laisse perplexe. L'ordre fondateur des abbayes de ce type prônait la pauvreté et l'austérité. Or, une des chapelles du transept est décorée de peintures. Outre le fait que cela me semble contradictoire, je n'ai trouvé nulle part d'explication.
L'abbaye est réputée pour le silence qui y règne. A notre arrivée, la préposée aux billets indiquait aux visiteurs précédents que la dernière visite guidée était en cours et qu'il n'y aurait plus de musique.
Quelle ne fut donc pas ma surprise en entendant résonner dans l'église un chant grégorien. Le son était d'une telle pureté que j'ai cru pendant un long moment que c'était un CD.
Pas du tout. En cherchant la source de ce chant magnifique, je tombai sur cette femme qui chantait, seule, face à ce cul de four! Sonorité remarquable que cette moitié de coupole renvoyait dans toute l'église et bien au-delà!
L'acoustique de ce lieu est tellement magique que, sans micro, Jane Birkin et son brin de voix passerait pour une puissante cantatrice!
Le cloître fait le lien entre l'église et les bâtiments de vie du monastère. Il est très austère.
Donnant directement sur le cloître, la salle capitulaire, ou salle des chapitres, servait aux réunions quotidiennes traitant des points d'intendance, mais aussi à la lecture quotidienne des chapitres de la règle de Saint Benoit.
Dans tous les monastères de l’Ordre, la salle capitulaire devait avoir au moins trois fenêtres à l’Est et trois baies à l’Ouest, sur le cloître, l’une servant d’accès. C'est bien le cas ici.
La surprise du jour: le lavabo.
"Le Lavabo est considéré comme l’un des plus purs exemples de Lavabo Cistercien. On peut en observer un comparable par exemple à Poblet, en Catalogne. Il fait saillie sur le Préau du cloître avec lequel il communique. La disposition hexagonale du pavillon avait une signification symbolique en rapport avec la tradition Gallo-Romaine de construire ainsi le Baptistère, peut-être en mémoire des six jarres d’eau transformées en vin à Cana. Le toit est une coupole de pierre à cinq pans, soutenue par six ogives." (source http://monumentshistoriques.free.fr/abbayes/thoronet/abbaye.html)
Autre curiosité plus couramment rencontrée: le cellier.
Les moines y produisaient le vin et l'huile d'olive. Vous noterez les cheminées de ventilation dans la voûte. Leur fonction était d'évacuer les vapeurs d'alcool.
Il semblerait que cette pièce n'était pas le lieu de stockage.
Pour finir cette courte et incomplète visite, je vous présente le pressoir à huile.
Malgré la relative déception consécutive à l'annulation de la manifestation de Tavernes, ce fut une très bonne journée. Si vous avez l'occasion de passer par cette région, n'hésitez pas à consacrer une ou deux journées à visiter tranquillement le Var de l'intérieur.
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