Rétro camping dans le Berry épisode 1
Après le périple en Hotchkiss, j'amorce un changement radical : quelques jours en rétro camping pour tester les qualités de la 2cv dans l'effort de traction et le confort de Korrigan dans un exercice un peu plus long que lors de la bourse exposition de Courtenay 2019.
Depuis Courtenay, la 2cv a été équipée d'un attelage et un ciel de toit isolé a été fixé dans Korrigan pour traiter le souci de condensation. Les finitions ne sont pas complètement terminées mais l'essentiel est là!
Le choix de la destination est à l'origine un compromis entre distance raisonnable et déclivité contenue, pour tenir compte de la faible puissance du moteur. Direction les bords de Loire pour atteindre le Berry. La première journée sera courte en raison d'un départ en fin de matinée.
Atteinte par les petites routes parallèles, la cité de Gien sert au franchissement de la Loire pour rejoindre la rive gauche.
Et quand on évoque la Loire, immanquablement on pense château. Dans mes pérégrinations, je me laisse souvent guider par le hasard, mais cette fois j'ai préparé les endroits par lesquels je souhaite passer. Le programme sera adapté mais le premier petit cercle figurant sur ma carte routière est le château de Saint-Brisson-sur-Loire. C'est le château de la Loire le plus en amont du fleuve.
L'origine du nom de Saint-Brisson-sur-Loire proviendrait de Brice, évêque de Tours au IVe siècle. C'est en son honneur qu'une église est construite sous l'invocation de Saint Brice. Pour mémoire, les habitants locaux s'appellent alors les Briconètes.
Il faut se souvenir que la Loire, avant d'être régulée en amont, était un fleuve capricieux aux fortes crues, et, comme toute bonne voie de communication, vecteur d'invasions. Cela explique que les populations se soient installées plutôt sur les coteaux. Et c'est la raison pour laquelle le château est bâti en retrait et en hauteur de la digue.
Marcel Petit, dans son livre sur l'histoire de Gien, rapporte que "des mottes se couronnent de tours de guet, premiers châteaux-forts de bois, à Saint-Brisson". Au XIIe siècle, le seigneur du lieu semble être un fieffé pilleur de marchands et de voyageurs. Ce comportement est rapporté à Louis VI le Gros qui se fâche, prend le commandement d'une armée, et marche sur Saint-Brisson dont il s'empare et qu'il rase. Avant de mourir, il offre tous les biens du vaincu à Thibaud le Grand, Comte de Champagne et de Sancerre, dont c'est un des cent cinquante fiefs. Excusez le du peu!
En arrivant dans la cour, j'ai une impression de déjà vu. Le château est parfois un lieu de spectacles et c'est dans le cadre d'un concert que j'avais découvert l'endroit, mais de nuit.
La place forte d'origine a été transformée en demeure de résidence.
En 1987, la dernière propriétaire, Anne de Ranst de Berchem, lègue son château à la commune de Saint-Brisson-sur-Loire. L'association des Amis du château de Saint-Brisson (ACSB) a pour vocation de remettre le bâtiment en état et d'organiser des animations et les visites guidées.
Et en ce mois d'août 2019, l'animation tourne autour des fantômes. Dans chaque pièce des voix enregistrées, supposées être celles de fantômes bienveillants, communiquent des indices qu'il faut noter sur un livret remis à l'accueil, afin de lever la malédiction qui perturbe les nuits.
Dans une des pièces, il faut même avoir résolu l'énigme pour pouvoir sortir… enfin sauf si l'on trouve le bouton qui active l'ouverture électrique...
Certains visiteurs se piquent au jeu et cherchent avec obstination les indices. Comme le château est censé avoir été abandonné par les humains, les volets sont le plus souvent tirés afin de réduire la luminosité.
Salle de bains à la superficie plus que généreuse.
D'un château féodal, comme toujours, les propriétaires ont fait une demeure certes rustique au regard des standards d'aujourd'hui, mais confortable pour le début du vingtième siècle.
Le salon, qui sert aussi de salle de musique (le piano est juste derrière le canapé). A en croire Joël Saulnier et ses sources, dans son livre "Regards sur Saint-Brisson-sur-Loire et ses environs", la décoration aurait été refaite en 1907 et les travaux auraient duré deux ans.
Au dernier niveau, une petite scène a été aménagée. L'ensemble devait permettre de proposer des représentations.
Dans les sous-sols, on retrouve la cuisine et l'office. Ces pièces ont fait l'objet de multiples modifications au cours des siècles. La version présentée daterait de 1886.
Après cette halte, nous reprenons vaillamment la route et longeons bientôt le canal latéral à la Loire. Considérant la vitesse de croisière de l'attelage, j'emprunte les routes les plus étroites possible pour ne pas me faire haïr par les autres automobilistes.
Et quand on rencontre des bateaux, on se la pète un peu, façon vedette, si j'ose dire! Et à nouveau l'originalité de l'équipage fait son effet. Les flash crépitent sous le feu des compliments!
Le commentaire de Korrigan: Ce qu'il a oublié de vous dire c'est que le pont sur le canal ne menait nulle part, si ce n'est dans des champs. Nous n'y étions perchés que pour la photo! Le plus drôle a été la marche arrière pour revenir sur la route car le rétropédalage avec une caravane demande un minimum d'habitude!
Savez-vous que le département du Cher compte 173 châteaux? En réalité il y en a plus que cela, mais tout dépend si l'on comptabilise ou pas les "demeures d'agrément". Je tiens ce chiffre de Nathalie de Buhren qui les a recensés dans son "Dictionnaire illustré des châteaux du Cher".
Parce que je n'avais pas cet ouvrage avant de partir, je me suis basé sur la couleur des logos de ma carte routière: blanc signifie privé, noir laisse à penser que des visites sont possibles. Eh bien non, ce n'est pas toujours le cas. Pour preuve le château de La Grange qui ne donne pas de signe d'accessibilité au public et qu'il faut juste admirer de loin.
C'est encore une fois en regardant les panneaux indiquant les monuments historiques que je décide de faire un crochet vers l'Abbaye de Fontmorigny.
Pour faire simple, l'Abbaye de Fontmorigny est située sur l'axe Bourges - Nevers, mais dans un vallon isolé et donc loin des axes principaux.
D’abord bénédictine, Fontmorigny est devenue fille de Clairvaux en s’affiliant à l’Ordre de Cîteaux en 1149 sur les instances de Saint Bernard.
Pendant la Révolution, l’abbaye est vendue comme bien national à un métallurgiste local, qui exploite les ressources en fer de son domaine. L'usine sidérurgique de Torteron, située à 800 m de l’abbaye est aujourd’hui en ruines. Il y loge ses ouvriers.
Depuis 1987, les propriétaires actuels s'attachent à redonner vie à l'abbaye. D’importantes restaurations y sont réalisées chaque année et on y organise des évènements culturels.
Sur la période 2010/2012 l'effort a porté, entre autres, sur la restauration des entourages de pierre des trois baies du chœur et la réalisation de la rosace du chœur qui représente le souffle divin de la création au moment du big bang.
L’abbaye de Fontmorigny a été sélectionnée en 2018 parmi les 250 sites en péril retenus par la Mission Bern en liaison avec la Fondation du Patrimoine. Elle bénéficiera d’une aide financière dont le montant sera précisé après le Loto du Patrimoine de la 3ème semaine de septembre 2018.
A l'arrière des ruines du cloître et de l'abbatiale, on peut se promener dans le jardin de l'abbé. Pour être sincère, c'est un peu triste, si ce n'est les senteurs d'herbes, de lavandes et de buis.
Surprise et déception du jour: la halle de Grossouvre. Si ce nom éveille en vous des souvenirs, il s'agit peut-être de la réminiscence de François de Grossouvre, ancien conseiller de François Mitterrand qui se suicidera dans son bureau de l'Elysée en avril 1994. Et il y a un lien puisque la famille de Grossouvre œuvrait comme maître de forges dans le village qui porte leur nom.
Ce qui justifie de faire le détour, c'est que sur la friche de l'ensemble industriel, Jamy Gourmaud, animateur de l'émission "C'est pas sorcier", et Georges Dufaud, grand maître des anciennes forges du Berry, ont eu l'idée de transformer l'ancienne halle à charbon en espace métal, sorte de musée de la métallurgie.
La déception provient de mon arrivée tardive, incompatible avec l'heure de fermeture. Doublement hélas, car le lundi étant le jour de fermeture, je n'ai pas pu y passer sur le chemin du retour.
En 1833-1834, Alexandre Aguado, marquis de Las Marismas del Guadalquivir, banquier français d'origine espagnole et propriétaire de la forge du village, finance un logement pour les ouvriers de la forge. Il peut accueillir douze familles. Chacune bénéficie d'une cave, d'une pièce de vie et d'une chambre. Du fait des galeries, l'immeuble a vite pris le nom de "Les Galeries".
L'ensemble a été réhabilité en logements locatifs, cependant un des appartements a été conservé "comme avant" en guise de témoignage.
Il est temps maintenant de rejoindre mon futur camp de base. Il s'agit du site de la Goule qui n'est rien d'autre que le parc loisirs nature du Berry. On y trouve non seulement des emplacements pour tentes, caravanes et camping-cars, mais aussi des chalets et des tentes familiales déjà montées.
Grâce à une retenue d'eau, les vacanciers disposent d'un plan d'eau pour la pratique des sports nautiques.
Une petite place est rapidement trouvée. Il n'y a pas foule et ce ne sont pas les voisins qui vont nous déranger. A moins de quinze euros la nuitée, je ne pense pas avoir fait le mauvais choix, d'autant qu'un restaurant propose tous les soirs des plats simples à manger sur place avec vue sur le plan d'eau.
La première mission est réussie. La voiture a tracté Korrigan, ma Caradeuch. La troisième et parfois la deuxième ont été nécessaires, mais nous somme arrivés à bon port.
Le commentaire de Korrigan: Il n'empêche que dans le final, pour gravir le raidillon et les deux épingles à cheveux qui mènent au terrain de camping, on a terminé en première! Je ne voudrais pas être désagréable vis à vis de ma conseur, mais comme dit le proverbe: "qui veut aller loin ménage sa monture", d'autant que la souffrance animale étant de plus en plus d'actualité, on était parfois à la limite de la maltraitance !
Rétro camping dans le Berry épisode 1
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