Rallye d’Automne octobre 2018 Hotchkiss 2
Deuxième jour de ce week-end de trois jours. Le soleil n'a pas encore fait son apparition quand nous partons. Les nuages ressemblent plus à de la brume d'altitude qu'à des menaces pour la journée.
L'organisateur a eu la bonne idée de ne pas surcharger le programme de la journée, et nous avons du temps devant nous avant de rejoindre le premier lieu de rendez-vous.
Nous traversons la Sologne par de petites routes départementales. Chacun roule à son rythme tout au long des 68 kilomètres qui nous séparent de notre plat de résistance de la matinée.
Malgré la douceur, octobre commence à faire son travail, et les longues allées forestières s'illuminent des couleurs automnales.
Soudain, à notre droite, une somptueuse demeure, toute illuminée du soleil levant, impressionne par la majesté de son architecture. Il s'agit du château de la Ferté-Imbault. C'est le plus grand château construit en briques de Sologne. Louis de la Saussaye en parlait en termes fort aimables: "Sa position est tout à fait riante et agréable, dans un endroit où la Sauldre se divise en plusieurs canaux... Les tourelles rouges du château s'élèvent au milieu de ces eaux et de cette verdure, et couronnent merveilleusement le riche tableau qu'on a sous les yeux »
Détruit pendant la guerre de cent ans, le château sera reconstruit pendant la Renaissance. A nouveau partiellement détruit pendant les guerres de religion en 1562, il est restauré et agrandi au début du XVIIe siècle par Jacques d'Estampes, marquis de Mauny, qui est le plus riche propriétaire de la région.
Le ballet d'Hotchkiss continue.
Une dizaine de kilomètres plus loin, non loin de Châtres-sur-Cher, c'est un autre fort joli château qui nous regarde passer. Cette fois nous serons plus nombreux à nous arrêter. C'est le château de Douy. Ici encore la brique constitue le matériau majoritairement utilisé.
Nos petits camarades, une fois les clichés réalisés, remontent en voiture et reprennent le circuit. Un instinct me pousse à fureter un peu, et je découvre, de l'autre côté de la route, masquée par des taillis, une dépendance tout à la fois insolite et pourtant bien utile à l'époque: d'aucuns penseront qu'il s'agit ici d'une simple cave. Pas du tout, c'est la glacière du château! Tous en possédaient une, afin de conserver la neige et la glace accumulées pendant l'hiver.
Bientôt nous rejoignons le canal du Berry que nous longeons pendant un court instant. Un canal est un canal me direz vous, et il n'y a pas de quoi en faire un article. Oui, sauf qu'à Thénioux, l'histoire de la seconde guerre mondiale nous rattrape; la ligne de démarcation entre la France occupée et la France libre longeait le Cher et le canal. Et Thénioux, entre 1940 et 1943, sera un des points de passage vers la France libre. Vont s'y illustrer en particulier Raymond et Marcellin Toupet.
Raymond Toupet abandonne son activité de serrurier pour se consacrer au passage de prisonniers évadés et autres candidats au passage en zone libre. Dénoncé, il perdra la vie lors d'un franchissement du Cher.
Le 11 novembre 1942, à la suite du débarquement allié en Afrique du Nord, les allemands envahissent le sud de la France. La ligne de démarcation perd donc son caractère frontalier.
Autre point d'intérêt rencontré, l'église de Saint-Outrille. Le nom de la commune provient du saint du même nom, évangélisateur du Berry qui vécut de 551 à 624, sous la dynastie des Mérovingiens (pas facile à placer dans les salons mondains!). Il existe plusieurs légendes sur la raison d'un tel clocher tordu.
L'une d'elles explique que le diable - qui serait souvent à l'origine des clochers tors - se reposait sur le clocher de Saint-Outrille. Une commère voulut le déloger de son perchoir en grimpant sur la flèche. Le diable, dérangé, s'enfuit, mais sa queue, enroulée autour de la flèche, lui fit subir la torsion que nous lui connaissons.
La troisième légende narre "qu'au temps du roi Louis VII le Jeune (1120-1170), une modeste famille vivait à Saint-Outrille : les Malterre. Le père, qui était bourrelier et forgeron, travaillait avec son fils Phallier. Ce dernier dut partir en croisade et jura cependant de rester fidèle à sa promise, Mathilde, qui fit le même serment. Pendant la longue absence de Phallier, Mathilde eut de folles aventures. Au retour du croisé, elle jura devant Dieu qu'elle l'avait fidèlement attendu et bientôt, ce fut le mariage. Dès le début de la cérémonie, éclata un violent orage. Soudain, au milieu d'une immense flamme, Mathilde et les anneaux disparurent, laissant Phallier seul et hagard. A ce moment, les fidèles, affolés, sortirent de l'église et s'aperçurent avec horreur que le clocher était tordu. On en conclut que c'était la colère de Dieu qui avait emporté l'infidèle et tordu le clocher."
Mais à Poulaine, ce n'est pas tant l'église que je retiens que cette maison, construite au fond d'une cour.
Poulaine est une commune de moins de 1000 habitants. Je m'interroge: Un dancing ici? Les poulignots et poulignotes seraient-ils les dignes descendants de John Travolta, au mieux de sa gloire? Est-ce Saturday Night Fever tous les week-end ?
L'interview d'une passante en âge d'être ma mère, et qui s'est arrêtée pour nous dire que son oncle ou je sais plus qui avait, fut un temps, possédé une Hotchkiss, éclaire ma lanterne: autrefois le dancing allait avec le restaurant du coin de la rue. Maintenant le local est utilisé à d'autres fins, mais l'enseigne murale demeure.
En avance sur l'horaire de visite, mais avant-derniers du groupe, nous retrouvons nos amis du club devant le château de Valençay, point d'orgue de notre journée.
Les conditions météorologiques de la journée sont idéales. Les moteurs fonctionnent à la bonne température, et attendre au soleil ne pose aucun souci.
Je vous donne tout de suite le fil conducteur du château de Valençay: c'est Charles Maurice de Talleyrand-Périgord (1754 - 1838).
Prince diplomate, il a acquis le château à la demande de Bonaparte, alors qu'il était son ministre des relations extérieures. "Il faut de grandes maisons pour les gens qui occupent de grands emplois" lui aurait dit Bonaparte!
Pour la petite histoire, Talleyrand entre au séminaire dès l'âge de seize ans. Ce n'est pas une vocation mais une volonté familiale. Ordonné prêtre en 1779, nommé évêque d'Autun en 1788, il quitte finalement le clergé pendant la Révolution.
On lui prête une grande intelligence et un esprit spirituel. Un livre de 150 pages, recueil de ses mots et aphorismes, rapporte nombre de ceux-ci. Une de ses phrases décrit bien l'homme et sa carrière politique:
"Les régimes passent, la France reste. Parfois en servant un régime avec ardeur, on peut trahir tous les intérêts de son pays, mais en servant celui-ci, on est sûr de ne trahir que des intermittences".
Effectivement, Talleyrand servira lui-même sous neuf régimes.
Le château vu côté cour surplombe un petit jardin et domine la vallée du Nahon.
Dans ses mémoires, Madame de Montpensier décrit sa première visite à Valençay:
"J'y arrivai aux flambeaux : je crus entrer dans une demeure enchantée. Il y a un corps de logis le plus beau et le plus magnifique du monde (...) L'escalier y est très beau et on y arrive par une galerie à arcades qui a du magnifique"
Le château est meublé. Parmi les nombreuses pièces traversées, la chambre ci-dessous est la chambre du roi d'Espagne car le futur Ferdinand VII y séjournera pendant six ans. Le château était une prison dorée dans laquelle l'Empereur avait décidé d'interner les princes de la famille Royale d'Espagne saisis à Bayonne.
Dans le salon bleu, comme dans d'autres pièces, on aperçoit entre les deux fenêtres un portrait de Talleyrand réalisé par François Gérard, l'un des principaux peintres du Premier Empire et de la Restauration.
Les murs du château offrent un cadre parfait pour une galerie familiale, dont voici quelques exemples.
Le château abrite aussi une "salle des trésors" dont l'objectif est de montrer quelques facettes du personnage. Pour tout vous dire, je n'arrive pas à trouver l'homme sympathique. Il disait de lui même:
"On dit toujours de moi ou trop de mal, ou trop de bien: je jouis des honneurs de l'exagération".
Il disait aussi:
"Je veux que pendant des siècles on continue à discuter sur ce que j'ai été, ce que j'ai pensé, ce que j'ai voulu".
Bref, on trouve dans cette salle des trésors aussi bien des écrits de sa main que certains de ses habits.
Mais l'homme est aussi connu pour son goût de la gastronomie. Les grands diners de gala offerts par Talleyrand se composaient par exemple de 48 entrées!
A ce stade je souhaite introduire Antonin Carême. Il restera 12 ans au service de Talleyrand. Bien que cuisinier, sa spécialité dont l'histoire se souvient: les desserts, et plus particulièrement les pièces montées tarabiscotées, directement inspirées de l'architecture.
Sous l'Ancien Régime c'est le «service à la Française», assez semblable à nos buffets actuels, qui était pratiqué. Chaque repas comptait jusqu'à cinq services, des potages aux desserts. Et pour chaque service, on amenait tous les plats sur la table, à charge pour le maître de maison de découper les viandes. Les convives piquaient dans les plats disposés devant eux. Des domestiques, derrière eux, servaient du vin au verre sur demande.
En 1810, l'ambassadeur de Russie à Paris, blessé, ne peut plus découper les viandes; il demande alors à ses cuisiniers de préparer eux-mêmes les plats et les assiettes en cuisine.
Ainsi naît le « service à la Russe ». Les plats se succèdent : entrée, poisson ou viande, légumes, dessert. Le service est plus rapide. Les mets sont chauds et non plus froids. Ce service va conquérir peu à peu toutes les tables. Mais le « service à la Française » fera de la résistance tout au long du XIXe siècle par la grâce de Carême et de ses élèves.
La visite terminée, nous déjeunons au restaurant de l'Orangerie situé dans l'enceinte du château. Pâté berrichon, poulet en barbouille et charlotte aux fruits rouge, l'ensemble arrosé de vin de Valençay: what else?
Le Musée de l'Automobile de Valençay se trouve à quelques centaines de mètres du château. Une exposition temporaire autour de la 2CV et de ses dérivés marque les soixante dix ans du modèle.
Mise en scène de cette 2 CV 4X4 Sahara de 1964. L'idée de cette drôle de voiture est venue de Monsieur Bonnafous, qui cherche dès 1954 pour son entreprise de travaux publics, un véhicule tous terrains pour lequel trouver des pièces de rechange serait moins compliqué que pour les Jeep.
Sur une base de 2cv, il va bricoler deux exemplaires de 2cv bi-moteurs. Fort de la réputation de ces autos, Citroën s'intéresse au concept et fabrique deux prototype dès 1958. Le marché de l'Algérie et de ses déserts laisse à penser qu'il y aurait un marché important. Finalement seuls 693 exemplaires seront produits entre 1961 et 1967. Elle se nomme Sahara.
Mais entre temps, l'indépendance de l'Algérie réduit le potentiel des ventes dans le Sahara. Pour ne pas raviver les mauvais souvenirs de cette période douloureuse de notre histoire, Citroën rebaptise le modèle en 2 CV 4x4.
Pour le reste, sont exposés trois modèles représentatifs de notre belle égérie:
De gauche à droite, un modèle A de 1951, reconnaissable au sigle Citroën qui orne sa calandre. Deux mannequins, l'un de religieuse, et l'autre dans lequel on reconnait Louis de Funès. Mise en scène peu réaliste puisque, dans "Le gendarme à Saint-Tropez", les deux passages qui mettent en avant la tenue de route remarquable de notre petite populaire étaient des modèles plus récents, jaune et bleu. Fantaisie de l'artiste… Au milieu, dans une superbe livrée jaune Panama, un exemplaire AZ de 1961. Enfin, tout à droite, avec ses optiques rectangulaires, une 2 CV 4 AZ de 1976.
Dans les dérivés originaux, cette Tangara. Je devrais plutôt dire la Teilhol Tangara, du nom de son créateur Raoul Teilhlol. L'homme, qui avait produit les Rodéo, se lance dans le projet de remplacement de la Méhari. La base du véhicule est une 2 CV 6, complétée par des morceaux d'autres voitures comme la 205 ou le C15. La version Dune présentée ici est une série spéciale de 1988, la version 4x4 sortira en 1989.
Pour en finir avec les 2CV, je vous propose de découvrir une Bijou. Fabriquée dans l'usine Citroën de Slough ( UK) à 211 exemplaires entre 1959 et 1964, la Bijou est l'oeuvre du styliste Peter Kirwan-Taylor à qui l'on doit la Lotus Elise (pas mal comme référence). Imaginée pour se substituer à la 2CV qui se vendait mal au Royaume Uni, cette voiture ne trouvera pas son public. Il me semble me souvenir en avoir vu une, de couleur rouge, lors du vingtième rassemblement des clubs de 2CV à Lavaré (Sarthe) en 2013.
L'objet de ce reportage n'est pas de lister toutes les voiture présentes dans le musée, mais de vous donner envie d'y aller. Le musée renferme une grande quantité de marques, modèles, et cela sur toutes les époques. Par exemple:
Pour les amoureux de matériel de pompiers, on trouve quelques camions intéressants, comme le De Dion IS de 1921 (à droite) et le Delahaye 83/59 PE2 de 1930 avec sa grande échelle. On y trouve aussi deux Delaunay Belleville connus.
Curiosité avec cette étonnante Bedelia de 1914. Mue par un bi-cylindre en V de 1100 c3. Elle pèse 170 kg. Ce sera le premier cyclecar.
Il n'y a pas de bon musée sans Hotchkiss. Cette 864 S49 (Cabourg) est dans son jus.
Ce musée est très intéressant car il mélange les marques et les époques, avec des modèles rares. Je recommande.
Après cette visite, nous retrouvons le chemin de l'hôtel. Ce soir c'est le repas de gala. Il faut faire un effort vestimentaire.
La journée n'a pas été trop remplie. C'est très bien.
Rallye d’Automne octobre 2018 Hotchkiss 2
© Eric Nicolas 2021. Site créé par l'Astrolabe 🚀
Bonjour,
Très beau résumé du dernier Rallye d'automne Hotchkiss qui s'est déroulé sous un soleil omniprésent et une nature variée en couleur.
Merci
Bonsoir Bernard,
Merci pour le commentaire. J'avais rédigé un résumé de quelques lignes pour LVA mais je crains qu'il ne paraisse jamais.