Haras pour deux chevaux au pays de Vauban
Où aller pour quelques jours en ancienne, quand les critères sont:
La réponse est: Le Morvan en 2 CV!
Les mauvaises langues avaient tort! Un petit coup de troisième et Titine a presque tout monté! Après il y a la seconde et là c'est du 100% ... patience pour ceux qui suivent à 40 Km/h!
Il est des endroits, non loin de chez soi, par où on est moult fois passé, sans jamais s'arrêter. Par exemple le village de Villiers Saint Benoît, entre Charny et Toucy. Rien de particulier ne différencie ce bourg d'un autre, sauf peut être son église. Le Chevalier qui était le maître des lieux au dixième siècle légua par testament son bien à l'abbaye de St Benoît sur Loire. Le village devint alors Villiers Saint Benoît au lieu de Villiers.
Supplément gratuit de culture, saviez vous que la librairie Larousse, à ses début en 1852 s'appelait Larousse&Boyer. Et devinez quoi, Augustin Boyer est né dans ce charmant petit village de Villiers Saint Benoît! Vous voyez bien qu'il faut s'arrêter !!!
L'église de Saint Benoît a été construite après le leg, et le clocher, plutôt massif, sera terminé, cloches posées, le 8 décembre 1740.
Les routes qui mènent au Morvan, quand on arrive du Gâtinais, sont comme les rubans de Gymnastique rythmique. Le ruban d'asphalte ondule et tournoie. Le type exact de parcours qui permet à la 2 CV de montrer sa grâce et son déhanché, et qui donne l'impression d'aller extrêmement vite!
Ruban étroit où se croiser demande un vrai savoir faire! surtout quand c'est un matériel agricole...
C'est aussi l'occasion de passer devant de fort belles demeures nichées à l'abris du regard.
Mais que diable avait en tête le propriétaire pour faire construire une aussi belle résidence en cet endroit isolé? Pour en faire un relai de chasse peut être?
A Mailly le Château, il y a une place célèbre: la place Saint Nicolas. Une halte s'impose!
Ces pauvres cyclotouristes venus de Bretagne et de Vendée, sont à la recherche d'un Café! un 15 août! dans ce coin là c'est quasi mission impossible!
Mailly le Château est à un jet de pierres de l'Yonne, rivière navigable à ce niveau.
Bref après 156 Km cool, Titine et moi arrivons au Gite.
Il faut vous dire que les contacts avaient été uniquement par mail. A mon arrivée, le portail fraichement repeint est fermé. Pas de sonnette, pas de cloche. Je passe donc un appel téléphonique, sur le fixe de la dame, et devant l'absence de réponse, sur son portable sur lequel je laisse un message indiquant que j'étais arrivé. Quelques minutes plus tard, ma logeuse me rappelle et me dit: "vous avez essayé de me joindre, je n'étais pas disponible, quesque vous me voulez?"
Message étonnant, tout autant que le ton... Je m'entend dire que le portail n'est pas fermé à clefs, qu'il faut juste le tirer... La relation avec cette dame à forte personnalité, se régularisera par la suite.
Le Gite se nomme le Haras de Kenmare. Je m'attendais donc à y trouver des chevaux... Que neni, il y en eut, mais c'est fini. Les pensionnaires sont des gens comme vous et moi. Maintenant vous avez compris la raison de la première partie du titre de ce reportage.
Notre logeuse est veuve d'un Irlandais dont les origines étaient à Kenmare, en Irlande. Voila la raison du nom. Quant à la veuve, elle a tout l'air d'une marquise: l'allure, l'éducation, le langage châtié et la culture.
Au delà de sa connaissance de la Bourgogne, il reste à mon hôtesse des bases de l'art de la décoration Britannique (même si les Irlandais n'apprécient guère être traités de Britanniques). A l'étage, les chambres donnent sur un espace commun. C'est là que votre serviteur s'installe tous les soirs pour sélectionner les photos du jour et rédiger ce reportage.
A chaque chambre est affecté le nom d'une personnalité disparue mais célèbre: Colette, Lamartine, Madame de Sévigné... et Vauban dont j'hérite. Il est vrai que Vauban est né très près d'ici. C'est en quelque sorte le héros régional. Vous avez maintenant l'explication de la deuxième partie du titre de ce reportage.
Le gite fait table d'hôte à l'occasion, et ce soir c'est l'occasion qui tombe bien. Le repas est simple mais fin et bon. Madame la Marquise tient son rang!
Le lendemain matin il est important de se présenter aux voisines, par ailleurs très curieuses.
Comme dans bon nombre de zones rurales, on y croise parfois des souvenirs bien vivant du passé.
Et elle en fait des Km la vieille Bleue, parce que je l'ai croisée plusieurs fois. Et pourtant son bruit ne me dit rien de bon qui vaille...pour le futur proche.
Enfin il fait beau, et c'est l'occasion d'afficher le statut de découvrable de la 2 CV.
Cap sur Carré Les Tombes. Le nom de ce village de 700 âmes, provient des tombes qui entourent son église. Des tombes, oui, mais pas des tombes banales, puisque les 46 cuves & 66 couvercles sont vides. La raison de la présence de ces sarcophages reste encore inconnue. Ce que l'on sait c'est que la pierre dans laquelle ils furent taillés est locale.
Y avait il un Obélix Morvandiaux qui taillait ses sarcophages à l'avance en attendant des jours meilleurs?
Un petit coup de chapeau au passage à la mairie du village pour son initiative de borne de recharge des voitures électriques.
Comme on est dans le fief d'origine de Vauban, un petit tour au musée Vauban s'impose.
Un petit tour par un des nombreux lacs qui maillent le Morvan: Le lac de Saint Agnan.
Parlons un peu de ce Monsieur de Vauban.
Sébastien Le Prestre est né en 1633 à St Leger - Vauban. Pour faire simple, avant de rejoindre l'armée à 17 ans, il grandit dans la campagne Morvandelle et reçoit une éducation assez complète du curé du village, et particulièrement en mathématiques.
Au cours de sa carrière militaire il gravit tous les échelons, pour finalement être nommé Marechal à 70 ans.
D'une famille peu fortunée, ce n'est que grâce à la gratification de 80 000 livres allouée par Louis XIV en remerciement de la prise de Maëstricht, que Vauban peut acheter le Château de Bazoches pour un prix de 69 000 livres ( à cette époque une livre équivalait environ à 0,45 grammes d'or. Je vous laisse faire le calcul...)!
Il transformera le domaine, pour en faire sa maison de famille, dont ses obligations militaires le tiendront le plus souvent éloigné. C'est son épouse qui gèrera le domaine.
La bâtisse semble impressionnante, mais au gré des pièces visitées, rien ne m'est apparu comme ostentatoire.
Le domaine est au bord de l'axe Vézelay - Château Chinon. Le pare terre symbolise les fortifications Vauban.
On dit de Vauban qu'il a parcouru la France de l'époque dans tous les sens. Voici sa monture! Une basterne. Une mule était attelée devant, et aune autre derrière.
Mon impression est que ce château, à l'opposé de bien d'autres, est très lumineux.
La chambre du maître de maison est simple (pour l'époque). Merci de faire abstraction de la moquette rouge posée ici uniquement pour protéger le parquet. Le lit de parade est cependant, nous dit on, une pièce de mobilier remarquable par son état de conservation et sa rareté.
En 1706, Vauban écrivait ceci à un ami:
"Je ne sais quand je pourrai aller dans le Morvan, notre patrie commune. Lorsque j'y serai, vous me ferez l'honneur de me venir voir. Je vous y recevrai en bon voisin, et camarade de guerre, de mon mieux. Et vous pourrez compter d'y boire votre bonne part du meilleur vin que j'aurai"
L'homme était clairement attaché à cette région de France.
De plusieurs pièces de la maison, on aperçoit, au delà du parc et de la vallée, la colline de Vézelay.
Alors que l'homme a beaucoup écrit, sur de nombreux sujets, et il est vrai majoritairement pendant ses campagnes militaires et ses inspections, je trouve son bureau minuscule au regard de la littérature qu'il laisse derrière lui.
Par contre le château contient une très grande bibliothèque sur trois salles, et dont on ne voit ici qu'une petite partie.
Ce qu'il ne faut pas omettre d'ajouter, c'est que Vauban transforma le château en place d'armes. C'était en quelque sorte son bureau d'études. La galerie ci après hébergeait tous les dessinateurs qui produisaient les plans des dizaines de fortification.
Le domaine est équipé bien entendu d'écuries, mais aussi d'un pédiluve pour les chevaux fatigués de leurs courses.
L'épouse de Vauban est d'une famille de la vallée de l'Yonne: Jeanne Le Pelletier d'Osnay. Née en 1638, elle décèdera en 1705, deux ans avant son mari.
De leur union naitront 3 enfants. Le garçon mourra jeune. Ce sont les descendants de leur fille ainée, Charlotte de Vauban, qui occupent et gèrent maintenant le château.
Pour conclure sur une note d'humour, Louis XIV fit don de ce portrait à Vauban, sans doute pour bons et loyaux services.
Imaginez une minute que votre patron vous fasse cadeau d'une photo de lui pour vous remercier. Vous en penseriez quoi de votre patron? Les temps on bien changés!
Un peu plus haut sur la colline, cette belle demeure est le château Vauban. Il faisait partie du domaine de Bazoches.
Vauban avait un principe: proportionner la cage à l'oiseau. Il fallait que les terres soient suffisamment dimensionnées pour permettre d'assurer l'entretien et le train de vie du domaine. Après l'achat de Bazoches, Vauban achètera des terres et bois pour dimensionner la cage à l'oiseau.
Un court arrêt dans l'église Notre Dame de Saint Père. Ce joyau de l'art Gothique sera restauré par Viollet Le Duc
Une bonne journée de visites et 270 Km au compteur depuis le départ de Montargis.
Haras pour Deux chevaux au pays de Vauban
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